"REALITES PRECAIRES"
Fuites (mode d'emploi)
La photo s'égare à fixer un lieu ou un événement. L'instantané d'une colline, mouvement d'individus, proches ou lointains, souvenir de vacances, de paysages, d'anniversaires, de déplacements figés en quelque sorte.
Un blocage de fuites.
Des mouvements que l'on ne retrouvera jamais.
L'image fixe bloque le temps pour le renouveler en souvenirs. Des péccadilles ayant vertu d'operer des retrouvailles. Images vues du "soi".
Je me sers de ces photos comme modèles. Je m'essaie à reproduire graphiquement l'image sur plaque matrice (polystyrène extrudé), à la manière d'un croquis. Celle-ci est utilisée comme plaque gravée à empreintes. Images empruntées revues fugacement au plus juste, dans le mouvement. Elles servirons ensuite à des impressions à la laque noire sur des imprimés publicitaires ou des pages de revues.
Histoires sur histoires. Plaquages se mêlant pour établir un équilibre visuel de correspondance sans folklore.
Ces tirages sont ensuite collés sur des plaques de carton plume, pour leur donner une épaisseur. Par contraste, j'utilise alors du vinyle blanc mat, en réservant une languette dans le bas où la base du pinceau intervient comme marqueur dans la peinture fraîche pour légender la photo initiale : lieux, noms et dates.
Cette légende est difficilement lisible. Elle intervient comme une nouvelle fiction. La figuration d'une perte.
Ainsi que dans "Enterrement d'un jour" : il s'agit de remettre en mémoire un laps de temps particulier, sans lui donner plus d'importance qu'un prétexte à copier une image sans la restituer dans sa réalité sentimentale, ou la situer dans un temps déterminé, pour éviter l'anecdote ...
Il s'agit surtout, dans cette suite séquentielle, d'aboutir à une série non déterminée par le nombre (à priori, il est prévu d'occuper un mur d'objets imagés, "une surface temps"). celui-ci importe peu. Il est seulement prévu, pour des raisons de lassitude de fonctionnement, de m'arrêter à 200.
Rien d'autre en fait que la production d'un mur d'images fortement ambigues, puisque encore il s'agit de détournement. Du peu de réalité de l'instant s'il est confronté à sa représentation. Une nouvelle fiction non figée, pas plus dans la mémoire de l'épisode que dans sa pérennité. Un temps de mouvements réunis en plans (en blocs) fixes.
Le noir intervient sur l'espace "couleur" parasitaire du prospectus pour mêler équitablement la notation du passé (l'hier) sur le présent. Le geste qui presse et l'imprime. Un discours sans méthodologies, ou une mèthode sans discours.
ce qui est dit doit pouvoir se délire de par son énonciation même. l'humour réunit les deux points opposés du bâton. Le bâton peut alors se ramifier en branches, et produire des fruits qui tomberont et pourriront sans nuire à l'écorce (proverbe non identifié).
Duchêne Gérard,
Lille 2005.